Billet: Ouerghi c. 9231-3113 Québec inc. – congédiement illégal, grossesse et qualification du contrat de travail

Date1 mai 2024
Auteurs Élisabeth Diguer
Julien Thibault
Sujet Billet juridique

Ouerghi c. 9231-3113 Québec inc., 2024 QCTAT 1065 (juge administratif François Demers)

Dans cette affaire, le TAT a déterminé que la plaignante, une éducatrice en garderie, a été illégalement congédiée en raison du fait qu’elle était enceinte.

Pour l’essentiel, la Plaignante alléguait avoir été congédiée en raison de sa grossesse le 14 décembre 2022 tandis que la garderie prétendait que la plaignante n’avait pas été congédiée à cette date, mais que son contrat de travail à durée déterminée avait plutôt pris fin le 27 septembre 2022, soit sa dernière journée de travail avant qu’elle ne s’absente du pays. La garderie invoquait également qu’en date du 27 septembre 2022, la plaignante n’était pas enceinte.

Avant de se prononcer sur la question de savoir si le congédiement de la Plaignante est attribuable au fait qu’elle était enceinte, le juge administratif Demers épouse la thèse de la Plaignante selon laquelle la fin d’emploi a eu lieu le 14 décembre 2022. À cet égard,  puisque l’Employeur a fait défaut de démontrer que le contrat de travail de la plaignante était à durée déterminée – alors que la Plaignante a livré un témoignage non contredit à l’effet qu’il n’a jamais été question de la durée prétendument fixée à la période estivale – le TAT conclut être plutôt en présence d’un contrat à durée indéterminée.

Concernant la date effective de fin d’emploi, le TAT retient la version de la plaignante selon laquelle la fin d’emploi est survenue en décembre 2022, soit au moment où elle a transmis à la garderie des documents médicaux confirmant sa grossesse. Bien que le dernier jour travaillé par la Plaignante ait été le 27 septembre 2022 (la date alléguée de fin d’emploi selon l’Employeur), le juge administratif Demers souligne que le simple écoulement du temps ne peut engendrer une fin d’emploi en présence d’un contrat à durée déterminée. Il retient donc que la fin d’emploi est survenue le 14 décembre 2022. Dès le mois de novembre 2022, la Plaignante avait informé l’Employeur du fait qu’elle était enceinte. Ce dernier avait alors réclamé des documents médicaux pour remplir la documentation appropriée.  Or, suivant la transmission desdits documents médicaux par la Plaignante, l’Employeur a manifesté son intention de ne plus être lié par le contrat de travail, en indiquant dans un courriel que la Plaignante ne travaillait plus pour eux et qu’elle avait quitté son emploi après avoir effectué un remplacement au courant de l’été 2022.

Rappelons qu’il est interdit à un employeur de congédier une salariée ou de lui imposer toute sanction en raison du fait qu’elle est enceinte et qu’il revient à l’employeur de démontrer que la fin d’emploi d’une salariée enceinte est attribuable à une ou plusieurs causes totalement étrangères à la grossesse lorsque la salariée bénéficie de la présomption prévue à l’article 123.4 de la Loi sur les normes du travail. En l’espèce, comme l’Employeur s’est contenté de prétendre que la fin d’emploi avait eu lieu en septembre 2022 et qu’il s’agissait d’un contrat de travail à durée déterminée, le TAT estime qu’il n’a d’autres choix que d’accueillir la plainte, vu l’absence de toute autre cause possible de congédiement. Il ordonne donc la réintégration de la Plaignante dans son emploi d’éducatrice remplaçante.

Par cette décision, le TAT réitère le principe selon lequel il n’est pas possible de présumer qu’un contrat de travail est à durée déterminée. En effet, l’existence d’un contrat à durée déterminée doit être appuyé par une preuve prépondérante, qu’elle soit documentaire ou testimoniale. Ainsi, quoique les besoins opérationnels puissent être plus importants pendant une période donnée, par exemple la période estivale, cela n’a pas pour effet d’altérer la nature indéterminée d’un contrat de travail donné.